GLOSSAIRE
Comme toute science sociale, la géohistoire possède son raisonnement propre, qui n'est pas la simple juxtaposition des raisonnements historique et géographique. La spécificité de cette démarche tient dans la combinaison à parts égales de ces deux types de raisonnement. Un bon exemple en est donné par les principes de Christian Grataloup.
Un principe géohistorique est un type de modèle spatio-temporel. Il se définit comme "une logique de situation géographique couplée à un processus historique type, l'un expliquant l'autre, sans ordre de préséance heuristique" (Introduction à la géohistoire, page 177). On est donc en même temps dans l'analyse spatiale et dans l'analyse historique. Un principe géohistorique est donc à la fois un chorotype géographique et un chronotype historique. Par son degré de généralisation, il ne prétend pas décrire concrètement la réalité mais en donner une modélisation à des fins d'analyse et de compréhension.
Un des huit principes géohistoriques théorisés par Christian Grataloup est celui de Bagdad, du nom de la capitale abbasside.
Le principe de Bagdad décrit une situation de carrefour d'un lieu, causée à l'origine par des atouts biophysiques (position ouverte favorable aux échanges à différents niveaux scalaires); cette position originelle devient de plus en plus une situation historiquement construite et aménagée (routes, infrastructures...) par la société qui l'habite.
Cette localisation préférentielle a l'avantage d'enrichir la population par des flux marchands ou humains (avantage quantitatif), ou par la production d'innovation (avantage qualitatif). La position de carrefour du lieu favorise donc la concentration des capitaux et des hommes, et la connexion avec les espaces environnants à plus ou moins grande distance.
Cependant, ce lieu a les inconvénients de ses avantages; puisque si les routes favorisent l'approvisionnement en richesse, ces dernières sont aussi des accès privilégiés pour les invasions et les prédations. Ainsi le côté négatif du principe de Bagdad est la possibilité de destruction par des sociétés extérieures.
D'un point de vue temporel, le lieu décrit par le principe de Bagdad connaît différentes phases, que l'on peut schématiser comme suit :
- Une croissance initiale rapide
- Une accumulation importante (des hommes, des richesses, des innovations...) incarnée par des constructions géopolitiques.
- Des évènements récurrents de remise en cause, voire de destruction totale.
Ainsi, si la centralité d'un lieu a un côté géographique indéniable, elle a aussi un versant historique qu'il faut prendre en compte. « Aucune centralité n'existe dans la longue durée » (Christian Grataloup).
Le principe contraire de celui de Bagdad est celui d'Hakata. Ces deux principes s'appuient sur des logiques de diffusion.
Sources :
GRATALOUP Christian (1996), Lieux d'Histoire. Essai de géohistoire systématique., Montpellier, GIP-RECLUS, Collection Espaces mode d'emploi, 200 pages.
GRATALOUP Christian (2015), Introduction à la géohistoire., Armand Colin, 221 pages.
Définition ajoutée à notre GLOSSAIRE. N'hésitez pas à le consulter pour vous familiariser avec le langage du géohistorien.